Mila a joué un rôle de premier plan dans la religion chrétienne à l’époque romaine. D’ailleurs, son nom était lié à celui de l’archevêque Opta qui fut enterré dans son église. Elle a eu aussi pendant deux ans Saint Augustin comme chef religieux. La statue de l’enfant enlaçant un veau qui se trouve actuellement dans le jardin public du centre ville, remonterait, pour sa part, à l’époque Vandale qui a duré près d’un siècle (450-539). Certains historiens estimant que les pierres taillées, abondamment répandues dans cette région, représentent mieux le passage des Vandales dans cette ville.
Qualifiée par les érudits de musée à ciel ouvert, la vieille ville de Mila enferme dans ses entrailles plus de vestiges archéologiques que tout ce qui est aujourd’hui visible sur sa surface. Il suffit de scruter les nombreuses ruines encore vivantes pour réaliser qu’elles ne sont que des pans de quelque chose de bien plus important et qui a été englouti sous les sédiments du temps et de l’oubli. Le constat nous fait inexorablement penser au laboureur et ses enfants qui ont caché un trésor dedans. Le vent chuchote à qui veut l’entendre qu’un peu de courage nous le fera trouver ! Contrairement à la célèbre fable de Jean de la Fontaine, le courage et la volonté ne manquent pas dans cette grosse bourgade qui est devenue l’antique Milev, où l’Histoire, ici comme ailleurs dans le pays, n’est pas encore considérée à sa juste valeur. Tout laisse pourtant penser, ici, qu’il suffirait de prendre la peine de creuser un peu pour aller à la découverte des pièces manquantes à ce puzzle que constituent les vestiges archéologiques. Les traces du passé sont là, certaines ont été découvertes grâce à des fouilles hasardeuses, n’ayant rien d’archéologique. Il faut sonder un peu plus en profondeur les sous-sols de cette ville dont le nom n’a que deux syllabes mais qui n’en pèse pas moins lourd dans la balance de l’Histoire.
Une ville née à l’antéchrist
Il est impossible de situer l’âge de cette cité. Les plus anciennes inscriptions disponibles indiquent que Mila remonte à l’antéchrist et qu’elle a pris, à chaque époque, des noms différents comme Milev, Milium, Midius ou encore Milo. Le dernier nom est celui qui lui a été attribué à l’époque numide, à en croire des historiens qui ont étudié des inscriptions portées sur une statue découverte en 1880 par un officier français et qui serait la plus ancienne pièce archéologique de la ville encore disponible. Considérée comme l’une des pièces les plus précieuses de l’époque numide eu égard à sa dimension et à la noblesse de son matériau, cette statue de marbre blanc, actuellement exposée dans la cour de l’ancienne caserne et représentant une femme assise sur un trône, serait dédiée au dieu romain Saturne, selon certaines interprétations, et à la déesse Mitra, la sainte patronne de la ville avant l’époque romaine, selon d’autres. A l’époque romaine, Mila portait le nom de Milev. Elle figurait parmi les quatre villes de la confédération Cirtéenne (en référence à Cirta), en plus de Chullu (Collo), de Rusicade (Skikda) et de Cirta (Constantine). La fontaine romaine située en plein centre de la vieille ville et connue aujourd’hui sous le nom de Ain El Bled, représente parfaitement cette époque. Les mêmes canalisations en pierres posées là par les artisans romains continuent d’acheminer une eau limpide et légère à partir d’une source montagneuse du djebel Marcho surplombant la ville, vers cette antique fontaine située en plein centre de la médina.
Saint Augustin et Abou Mouhadjer Dinar y ont vécu
Mila a joué un rôle de premier plan dans la religion chrétienne à l’époque romaine. D’ailleurs, son nom était lié à celui de l’archevêque Opta qui fut enterré dans son église. Elle a eu aussi pendant deux ans Saint Augustin comme chef religieux. La statue de l’enfant enlaçant un veau qui se trouve actuellement dans le jardin public du centre-ville, remonterait, pour sa part, à l’époque Vandale qui a duré près d’un siècle (450-539). Certains historiens estimant que les pierres taillées, abondamment répandues dans cette région, représentent mieux le passage des Vandales dans cette ville.
Byzantins, musulmans et chrétiens
De l’époque byzantine, Mila conserve surtout des pans du mur d’enceinte qui la ceinturait sur une longueur de 1 200 mètres. Piqué d’une multitude d’étranges fenêtres larges à l’extérieur et étroites de l’intérieur, encore visibles, doté de 14 tours de surveillance pouvant atteindre 12 mètres de hauteur, ce mur représentait le statut de citadelle religieuse de Mila. Ce n’est pas donc un hasard que la conquête musulmane du Maghreb eut à cibler cette citadelle de la chrétienté. Le chef musulman et compagnon du prophète, Abou Mouhadjer Dinar, qui l’eut conquise en l’an 55 de l’hégire (674 de l’ère chrétienne), s’y établit pendant 2 ans. L’homme en a fait en outre un centre politique et militaire d’où partaient les conquêtes de la région, et où fut implantée la première maison du Maghreb central du Khalifat. La mosquée de Sidi Ghanem est le vestige qui illustre le mieux cette période où les nouveaux conquérants firent de Mila un grand centre de rayonnement de l’Islam, les tribus numides ont embrassé massivement cette nouvelle religion.
Une force au Maghreb
Deuxième à être construite au Maghreb, après celle de Kairouan (Tunisie), la mosquée de Sidi Ghanem, a été découverte en 1929 par un officier français. Elle a connu de multiples modifications et péripéties, surtout du temps de l’occupation française qui l’a transformée en hôpital et converti la maison de l’Emirat située dans son enceinte en cuisines pour les soldats, altérant du coup son cachet architectural originel. La médina de Mila qui s’étend sur une superficie de plus de 7 hectares a aussi sa Casbah, vestige de l’époque Ottomane durant laquelle la région, alors rattachée au Beylicat de l’Est, s’était illustrée par de nombreuses révoltes contre la lourdeur des impôts infligés à la population autochtone par l’Etat des janissaires.
Plaque tournante du tourisme culturel ?
D’une richesse admirable qui pourrait faire d’elle une plaque tournante du tourisme culturel, la vieille ville de Mila a longtemps souffert de l’inconscience et de son corollaire, la négligence, d’où l’abandon de ses repères historiques. Le récent classement du vieux Mila comme patrimoine national protégé, après deux années entières de démarches de la part de l’élite de la ville, fait naître des espoirs quant à une véritable prise de conscience. Cette distinction bienvenue laisse aussi à penser que ce précieux patrimoine pourra encore témoigner, et pendant longtemps, du passé exceptionnellement dense et riche de cette belle cité, gardienne de la mémoire collective. L’installation à Mila, depuis octobre 2006, d’une antenne de l’Office national de gestion et de préservation des biens culturels, qui commence à organiser des visites guidées dans la vieille ville et à inventorier les sites et les objets à valeur patrimoniale, laisse en tout cas présager des jours bien meilleurs.
R. C.
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