LE TRAVAIL EST UN LION, LÈVE TOI VERS LUI, IL DEVIENT UN LAPIN (Dicton Kabyle).
   
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  Le chômage des Algériens dure, et c'est dur ! (Partie 2)
 

On cite officiellement comme causes du chômage:

1) - la politique de désinvestissement adoptée dès le début des années 1980 en réponse à la baisse des recettes pétrolières et de la valeur du dollar.
2) - le manque de formation professionnelle, donc de qualification adéquate chez les demandeurs d'emplois ; ce qui allongerait la durée du chômage qui peut devenir un véritable calvaire en atteignant ­jusqu'à 48 mois8.
3) - les faibles performances économiques des entreprises et l'inorganisation du marché du travail, cette dernière pouvant expliquer par ailleurs le prolongement du chômage par le manque d'information.
Mais à ces causes, on pourrait ajouter :
4) - une certaine mythification de la pléthore du personnel (sureffectifs) dont un certain «monsieur organigrammes», ou         «monsieur la science», chef de Gouvernement de Son Etat, avait fait le lieu de phobies économistes pendant la campagne de «déstructurations» qui a écartelé, sous prétexte de restructuration, le déjà si faible corps industriel du pays. On pourra compter ainsi depuis 1985 à 1989 près de 113.000 pertes d'emplois. Il s'avère aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais, et d'après les conclusions des audits effectués à la demande du F.M.I. dans 22 entreprises déstructurées, que la masse salariale et les effectifs, ne constituent pas le nœud des problèmes, loin s'en faut, devant les ravages commis par le sous-développement managérial, la corruption, et le trafic d'influence, entre autres expressions de la mauvaise gestion qui caractérisent, la médiocratie.
5)- l'autre cause à ne pas négliger, le caractère sélectif du «sans-travail», lorsqu'il est demandeur d'emploi. Ayant longtemps macéré dans le culte du «travail de bureau», il n'est pas toujours ce chômeur «qui ne cherche qu'à travailler». C'est là un phénomène sociologique à considérer.
6)- les dernières causes, mais non les moindres susceptibles d'être relevées, sont l'épanouissement du marché parallèle qui tend à devenir une institution ; la double activité clandestine ; et le faible niveau des salaires servis dans le secteur économique régulier. Ce sont trois données liées les unes aux autres, la première étant considérée comme l'effet, le plus souvent, du «chômage», alors qu'elle pourrait en constituer la cause, dans une certaine mesure en relation elle-même avec le caractère insuffisamment rémunérateur du travail salarié. Quant à la seconde, l'activité clandestine, généralement commerciale (déclarée ou non), elle peut être pratiquée dans le marché parallèle ou par prête-nom, dans le marché officiel, par des travailleurs de I’ entreprise titulaires de postes de travail permanents, mais dont le plus souvent peut-être, la fonction est de gonfler l'absentéisme ; certains y étant contraints, là encore, par la faiblesse de la rémunération de leur travail.
Depuis l'année 1990, les deux axes de prise en charge de la crise de l'emploi sont la formation professionnelle et l'assistance de l'Etat à l'insertion dans le inonde du travail.
Le premier axe, dénommé «système intégré de formation professionnelle permanente» se veut une réponse «aux besoins de la société» et une contribution à la résorption du chômage par la qualification professionnelle. C'est pour cela qu'il semble s'orienter vers les «besoins exprimés par les secteurs employeurs». Ce système se fonde sur un dispositif qui, s'il n'est pas toujours en projet, reste méconnu, même des principaux concernés. Ce qui en est résulté pour l'instant, outre les structures mises en place, c'est la contribution à la formation professionnelle (1 % de la masse salariale) fixée aux employeurs, l'étendue à 25 ans de l'âge d'admission à l'apprentissage et, tout récemment la libération, avec le décret N°91-141 du 11 Mai 1991) de l'accès au ­secteur de la formation professionnelle, en permettant la création d'établissements privés. Ceci, aura pour effet d'accroître les capacités d'accueil et probablement, de diversifier les programmes et spécialités de formation si les intéressés, ne cèdent pas à la facilité mercantile.
Le second  axe, défini par le «programme d'action du gouvernement dans le domaine de l'emploi» en Mars 90, est développé dans ce que l'on appelle « le dispositif d'insertion professionnelle des jeunes (DIPJ) » ; on se demande du reste, pourquoi cette précision superfétatoire de la destination envers les jeunes de ce dispositif. Il est constitué par le délégué à l'emploi au niveau de la wilaya, assisté par un comité technique composé de partenaires divers, dont les entreprises ; au niveau de la Commune ou la Daïra, le comité local d'insertion professionnelle des jeunes (CLIJ) ; au niveau national enfin deux directions (celle de la régulation et celle de la promotion de l'emploi) sont au sein du Ministère du travail. Cet appareil est complété par l'agence nationale pour l'emploi (ANEM, ex ONAMO) structurée aux niveaux régional, wilaya et communal, et l'agence pour le développement de l'emploi (ANDE, ex ANDRH) dont le rôle serait de mener les études relatives aux besoins d'emplois, identification des créneaux d'activités, adéquation emploi / formation etc.10
Le programme confié à ce dispositif peut se définir essentiellement en deux actions:
1/- le «soutien technique et organisationnel au développement de toutes les formes d'activités de biens et de services de petite dimension» ;
2/- «La mise en place d'incitation au développement de nouvelles activités», (conditions d'accueil, soutien financier, fiscal et technique). Ces actions sont prévues pour être soutenues par «des actions de formation pour l'acquisition de qualifications et compétences nécessaires». On distingue dans ce programme des objectifs pour le moyen terme, d'encadrement et connaissance du marché du travail, de promotion de l'emploi (par le biais notamment des P.M.I., P.M.E. et coopératives) et enfin l'emploi des jeunes et la préservation de l'emploi; à court terme, pour l'année 90, c'était la création de 130.000 postes de travail pour absorber 62% de la demande additionnelle d'emploi. Prioritairement, étaient visés les emplois peu coûteux (surtout en devises). A cela, s'ajoutait l'incitation (fiscale notamment) des entreprises au recrutement des jeunes parallèlement à l'encouragement du développement de «l'emploi pour propre compte» ou auto-emploi. Matériellement, ce programme se concrétisa avec la naissance de ces coopératives, dites de jeunes, tant décriées par les uns et vantées par d'autres comme une panacée. Elles eurent un début tumultueux marqué par «des dénonciations» du blocage financier des banques, du désintérêt ou inexistence des structures (CLIJ), du manque d'information, du retard dans la livraison des équipements et même de détournements de ce matériel au profit de spéculateurs, etc. Le doute reste encore quant à la prétention de ce projet de faire des entrepreneurs «par décret», à partir d'une matière sociologique issue d'un système perverti économiquement et idéologiquement. L'expérience des coopératives agricoles diverses, enregistrée historiquement, constitue un échec essentiellement sociologique, qui pourrait ne pas être étranger à ce scepticisme vis-à-vis de la coopérative (industrielle ou artisanale) de jeunes. Au demeurant, avec cent trente mille et même deux cent mille emplois à créer annuellement, et en ne tenant pas compte des nouveaux demandeurs de travail qui viennent renouveler le contingent, il faudrait six (6) années ou plus pour résorber le chômage, tel qu'évalué actuellement.
La politique de prise en charge de la crise de l'emploi devrait tenir compte à la fois d'un chômage incompressible, structurel de l'économie en quelque sorte, après l'avoir identifié, et des données so­ciopsychologiques dont il serait temps d'engager l'investigation. C'est sur une connaissance intégrale (objective et scientifique) de la réalité que devrait se fonder tout programme d'action, tenant compte entre autres:
1) - de la structure du chômage et de la main- d'œuvre employée;
2) - du réservoir d'emploi qu'offrent les capacités installées des entreprises et qui reste inexploré;
3) - des possibilités offertes ­par le développement de l'auto-emploi ou emploi privé individuel tant dans l'agriculture, l'artisanat, l'industrie que les services ;   
4) - des insuffisances et carences du tissu industriel;
5) - du dispositif législatif et réglementaire du travail et la relation de travail ;
6) - des caractéristiques, des systèmes et appareils de formation professionnelle.
Les actions de moyen et long terme étant reçues psychologiquement «sans y croire» par une population désabusée à l'égard d'une administration discréditée, ce sont pour le court terme, des actions susceptibles d'être immédiatement mise en œuvre qui devraient être arrêtées. Ce qui ne signifie pas qu'elles le soient dans la précipitation ou sans analyse des tenants et aboutissants socio-économiques.
Parmi les premières mesures souvent citées, la réduction de l'âge de départ à la retraite et la retraite proportionnelle; l'accès pourrait être réglementé de manière sélective, par exemple des catégories professionnelles. Vient ensuite la réduction de la durée légale du travail; elle aurait pour effet de démultiplier immédiatement les équipes de travail des entreprises à régime de fonctionnement dit «feu continu». Cette démultiplication est d'ailleurs possible dans nombre d'Unités de production même lorsqu'elles ne sont pas Technologiquement astreintes au fonctionnement continu. Encore faut-il bien entendu, qu'elles soient approvisionnées en matières premières et qu'elles écoulent leur production (exportation ?). Il faut signaler que des usines entières ont été créées (et peut être encore inscrites comme projets d'investissement) alors qu'il aurait été préférable d'accroître les capacités installées déjà existantes (humaines et matérielles).
L'autre mesure et éventuellement la plus détel1ninante pour résorber l'activité parasitaire du «marché noir», c'est la rémunération du travail à son juste prix. C'est-à-dire l'application aux salaires, du principe de la vérité des prix. Le «soutien aux bas revenus», est économiquement un contournement de la loi du marché sur la vérité des prix. Le premier venu des petits «vendeurs à la tire», pourrait dire que les bas salaires, par rapport à ceux qui devraient être normalement servis, sont cause eux aussi, de la désaffection vis-à-vis du travail régulier.
Au niveau de la formation professionnelle, outre l'accroissement des capacités d'accueil et l'organisation actuellement en cours, il y aurait lieu d'envisager la réorientation du système du point de vue de son principe et de sa destination.
Au plan du principe, cette institution doit être élevée au rang de FORMATION-EMPLOI, car socialement la formation a besoin de retrouver sa valeur d'occupation utile, de travail, moralement et économiquement. Cette revalorisation devrait se matérialiser par le biais d'une subvention conséquente, motivante tant pour l'apprentissage que pour les autres formes et même la formation par correspondance avec un contrôle performant de l'assiduité.
Au plan de sa destination, le système actuel semble s'inscrire de manière quasi obsessionnelle dans une vision unidirectionnelle qui rapporte ses objectifs aux seuls besoins exprimés ou supposés, des employeurs; cette obstination est d'autant plus morbide qu'elle se limite à répondre surtout aux besoins des entreprises publiques; le candidat est tenu d'intégrer vaille que vaille, ce champ des besoins délimité (si mal, par ailleurs) par l'employeur seul. S'ouvrir au stagiaire potentiel c'est s'inscrire dans la perspective des motivations pour l'auto-emploi qui animent nombre de jeunes, ou que l'on pourrait susciter chez eux, vis-à-vis de nombreux métiers, traditionnels mais absents (horloger, bottier, maroquinier, verrier, vannier, etc.) ou modernes, à créer dans le sillage du développement technologique. II est inutile de dire ici que le secteur de l'agriculture peut bénéficier des mêmes mesures en matière de formation professionnelle et d'auto emploi.

En conclusion, on peut remarquer que la crise de l'emploi n'est pas uniquement due à la saturation des centres «pourvoyeurs», mais aussi à la négligence ou méconnaissance des gisements.
Si l'investissement est une nécessité pour la résolution de la crise de l'emploi, il est multiforme et peut ne pas se limiter à la seule création d'usines, qui s'impose d'elle-même au demeurant pour d'autres raisons que l'offre d'emplois.
En outre, la prise en charge du chômage à travers l'allocation financière, aussi libérale soit-elle, risquerait plus de conforter une «oisiveté rémunérée», d'autant plus néfaste, si elle concernait les jeunes, au lieu de pallier aux effets de la privation de travail qui, comme le souligne G. Friedmann «en même temps qu'elle constitue pour le chômeur, une régression sociale, engendre au bout d'un certain temps une sorte d'intoxication... qui est véritablement une menace pour la santé mentale de l'individu ».
Aussi, pendant combien de temps peut prétendre un chômeur à une allocation chômage ? La période est réduite à 25 semaines aux U.S.A. Connaissant le niveau d'organisation administrative des services qui seraient chargés de la gérer, on se demande s'il n'était pas préférable de limiter son octroi à des cas particuliers pour l'intégrer à un système de soutien aux «sans revenus» et aux «sans ressources», lorsqu’ils seraient chargés de familles.

                                                                      Yo  Hebib

Notes

1. EI-Watan du 29/07/91.
2 - Selon informations à El ­Watan du 06/08/ 91.
3 - Recensement population active 87 (ONS Déc.89).
4 - Selon administration centrale de la F.P. (brochure. FP en chiffres / 89).­
5 - Décompte personnel.
6 - ONS / 89 (op. déjà cité)
7 - On peut y inclure le très faible -niveau de l'activité de recherche que connaît l'industrie.
8 - A. IGUEMAT (quotidien d'Algérie 111 01/92).
9 –Idem

10 - Programme du gouvernement.                                              

 
 
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