LE TRAVAIL EST UN LION, LÈVE TOI VERS LUI, IL DEVIENT UN LAPIN (Dicton Kabyle).
   
  AlgérieRessources H
  Quid des Ressources H Algériennes
 

Publié par le Quotidien El Watan le 09/11/2003 sous le titre:«Valoriser L’Or Gris »

 On ne saurait ne pas évoquer les ressources humaines algériennes lorsqu'on considère les termes de la mondialisation des règles du marché. Au demeurant Il n'est pas besoin de la mondialisation pour justifier l'intérêt à l'égard des ressources humaines. Le sujet n'a pas cessé et ne cessera pas  tôt d'être d'actualité tant que le travail est, comme dit William Petty "le seul, après la nature, à produire des richesses, il en est le père et elle la mère". Par ailleurs la mondialisation est inscrite dans la logique des civilisations, chacune à sa manière et à l'échelle de "son monde". Aussi  est-elle quasiment un "non avènement" dans les pays industriellement développés. Mais il reste que la mondialisation se décline aujourd'hui par la productivité compétitive, du moins dans les termes avoués par les capitaines de la globalisation.

La productivité algérienne      

La population algérienne occupée, pour autant que ce soit au travail, ne  représente  que 20 % de la population active, à apprécier par comparaison au taux d'occupation danois (56%) ou japonais (50%), américain (47%) ou même français (43%). Comme  50% seulement des employés sont dans les ac­tivités de pro­duction de biens matériels, ils sont donc à peine quelques deux millions et demi qui produiraient, à leur corps défendant dirait-on, pour trente millions, et à raison de 50% de taux d'utilisation des capacités de production installées. Il est vrai que de populisme "clé en main" à paupérisme "produit en main" les Algériens ont appris à vivre entre guillemets (au propre comme au figuré), avec le schème mental façonné par le/la mode du prêt à importer. Jusqu'aux réserves de change qu'on évalue par les importations futures ! Si au moins elles servaient plus à l'industrialisation et à la production ainsi qu'au progrès technologique et technique, maintenant que deviennent tangibles les conditions de conformité aux standards internationaux de la qualité totale. Dans ce challenge "de village" où il s'agit rien moins que de vie ou de mort à la romaine, l'enjeu n'en est pas moins le progrès. Celui-ci s'élève comme on le sait, sur le trépied fait d'invention, d'innovation et d'imitation intelligente qui ne s'apparente pas à la singerie. Le travail signifie de mieux en mieux production de progrès, c'est à dire "travail-création",  non pas ce qu'on appellerait le "travail-curée" qui est le plus souvent pratiqué par l'agent économique algérien plus en phase la mondialisation du souk qui tente même la force de travail valide de se vouer plus à la prédation pour   l'acquisition de biens matériels1 qu'à la création d'utilité sociale. Or dans la culture du travail et de l'entreprise il s'agit de la création de produits (biens et services) pour la satisfaction des besoins d'autrui (manger n'est pas travailler n'est ce pas). D'où le caractère social, "alloprofitable2, du travail et de l'entreprise. D'où aussi la notion de client roi par exemple qui suppose tout un système de conduites et de comportements en matière de rendement, de qualité, de loyauté et d'éthique, etc. Dans la société algérienne ils se font rares ceux pour qui "servir les gens, c'est être leur maître" comme dit le dicton arabe. On voudrait plutôt se servir des gens ! Loin du principe de subordination de l'intérêt particulier à l'intérêt général et aussi loin de la ibada musulmane, du beruf allemand ou du japonais. Rare le produit ou la prestation qui ne s'apparente pas à un gaspillage ostentatoire criminel, ou à une vile escroquerie, tant la non qualité est totale. Bien sûr, l'industrialisation algérienne n'est qu'un mythe sinon un mensonge, gigantesque à l'image des com­plexes mégalomaniaques de ladite industrie industrialisante. On n'en déplorera pas assez cette dépendance multiforme vis à vis des fournisseurs extérieurs, la déser(tifica)tion de l’agriculture et le gaspillage massif compé­tences agraires au nom d’un hypothé­tique et asservissant "salariat politique". Mais aussi le dé­racinement physique et psychosociologique des populations, puis leur conversion à des masses d’assistés en rupture brutale avec le mode de vie traditionnel pour survivre dans les affres insoupçonnées de l’exode, du manque de logement, de communication sociale et familiale, et finalement même de travail ! Le taux atroce de chômage est gros de tous les risques3 (70% ont moins de 30 ans). Autant dire que l'espace algérien confine à un  haut lieu du non-travail, Erèbe en quelque sorte, de bois, de fer et de béton.

Le niveau de qualification professionnelle
L'empirisme et "le bricolage", on le sait du mineur au ministre, supplantent trop souvent le travail proprement dit, alors que la  compétitivité ne se suffit plus même de production au moindre coût, par exemple dans le bas de gamme ou l'accessoire. Mais encore comme le précise cet auteur "le lancement de produits nouveaux est une des conditions essentielles de la compétitivité4. Désormais "la nouvelle concurrence, selon Théodore LEVITT, ne se situe plus au niveau de ce que les firmes fabriquent, mais au niveau de ce qu'elles ajoutent à leur produit de base"5. Le "secret" de la compétitivité mondialisée se trouve ainsi dans la créativité. Il s'ensuit des exigences de connaissances, de qualifications et de compétences. Ledit monde du travail algérien recèle6 hélas plus de  40% d'analphabètes et environ 20% de niveau primaire assimilables à ces derniers, eu égard aux 270.000 enseignants du pri­maire et du moyen dont 23% seulement justifieraient du baccalauréat, et dont les 2/3 atteignent tout juste le niveau moyen d’instruction (rehaussé par l'usage du gourdin en guise de concept pédagogique). Guère plus de 4 % de diplômés de l’enseignement supérieur et 8 % d’agents justifiant  du pre­mier cycle supérieur. Les USA ou le Dane­mark disposent de 2% rien qu’en ingé­nieurs, cette frange ne re­présentant que 0,4% en Algérie érodée par les fuites de cerveaux, voire dans  les cerveaux ! On peut toujours attendre le remboursement du coût de leur formation par les pays d'accueil ! Cependant, près  de 60% des postes de cadres de l’industrie, l'ensemble représentant environ 10 % à 12 % des organigrammes en principe destinés à des universitaires, sont squattés, pour ainsi dire, sans la qualification de base requise. 70% des chômeurs sont du niveau primaire de l'enseignement. Huit millions d'illettrés aidant et des espoirs déçus formant désespoir, la société algérienne (individus et entreprises), souffre d'atrophie des compétences. La majorité des Algériens, afin de ne pas échouer leur pays dans une fin eschatologique pour échouer leur détresse surdéterminée, ils auront à s'assujettir au seul travail subalterne auquel les confinerait la répartition internationale que voudra la mondialisation en cours. Il n'est pas évident que les étrangers investissent d'eux-mêmes dans le développement de la force de travail algérienne. A fortiori lorsque le chômage peut leur offrir des universitaires à bon marché. Voire, si la main d'œuvre n'est pas importée sous prétexte "de non qualification" des algériens (N'a-t-on pas, dans une annonce d'emploi, exigé que le mécanicien ! parle anglais?).

L'état de la recherche de développement                 
Alors qu’au Japon par exemple on s’alarme en 1990 de n’avoir pas plus de 500.000 chercheurs ja­ponais, l'Algérie semble s'encombrer de quelques 5000 chercheurs scientifiques. Mais nonobstant l'hémorragie des compétences rescapées vaille que vaille d'une école naufragée, on  instrumentalise toute honte bue la réussite de quelques expatriés, au lieu de réaliser les conditions globales et entières de la réintégration et de l'épanouissement de l'intelligentsia algérienne. Naturellement est-on tenté de dire, l’activité de Recherche et Développe­ment connaît l’exclusion et la marginalisation. Une négation de fait du progrès, dans une société à la créativité si affaiblie. En tout état de cause, la recherche de développement compte pour une portion congrue du PNB, et une soixantaine de bases en 1990. Par ailleurs un réductionnisme obstiné de la sémantique de la "R and D" en bannit quasiment les sciences humaines ou de gestion psychosociale. Exit pêle-mêle, récusées pour un prétendu caractère "théorique" évoqué à tort et à travers. Toutes les autorités en la matière de par le monde, ne feraient que dans la spé­culation stérile sinon dans l’idéologie ou l'ethnocentrisme. La "botte se­crète de PDG" consiste à faire alibi précisément de "notre état de sous développement si spécifique et peu apte à intégrer les concepts scientifiques". Mais ce  m(s)inistre de son état, ne se propose-t-il pas rien moins que de fermer l’université... C'est dire que l'algérianisation du développement social est… complotée dans le dos du savoir scientifique. A croire qu'il y a un dessin occulte de type khaldounien pour obnubiler la collectivité algérienne dans la mentalité magique et l'ankyloser dans l'attitude messianique ou "démiurgique" afin de compromettre son accès civilisationnel à l’ère de la technologie scientifique, faisant qu'il ne soit pas même désiré.

L'activité de formation professionnelle continue          
En fait, avec un développement industriel aliéné de la culture de travail y afférente, c'est la "désindustrialisation" qui a pris place en Algérie, sous le matérialisme prosaïque limité à la perspective du seul couffin...de ses parrains. S'il est vrai que «l’ignorance est partout» il s'agit d'y remédier7au lieu, comble pour un mal, d'en prendre grand soin au risque de disparaître faute d'une gestion moderne du travail. Mais en Algérie, l'activité de formation professionnelle, lorsqu'elle existe dans les organismes de travail, elle est à la fois épisodique et improvisée sans étude correcte des besoins ni planification sérieuse. Elle s'adresse peu aux activités managériales, la fonction "ressources humaines" s'excluant d'elle-même. A titre d'illustration, parmi 300 entreprises sollicitées dans une en­quête de l’institut supérieur de ges­tion et de planification sur la for­mation "au management des res­sources humaines", seules 33 ré­pondirent, disant que le conseil d’administration, sous pré­texte d’austérité, n’a pas trouvé mieux que de supprimer l’activité de formation8. Du reste ce désintérêt  est soutenu par l'actuelle loi sur les relations de travail en nette régression en la matière sur le défunt SGT.

L'évaluation des potentiels et des performances
La sous qualification ambiante  est alimentée par "l'incompétence provoquée" qui se répand en raison de l'incompatibilité des qualifications existantes avec celles qui sont requises par les professions et emplois offerts. Elle est due notamment à l'absence de tradition scientifique dans la sélection, l'orientation et l'affectation aux emplois. S'est établie la "non gestion des compétences" sous l'ordre discrétionnaire et marchand. L'évaluation des potentiels humains et des motivations serait une vue de l'esprit de l'illuminé qui voudrait aujourd'hui "the right man in the right place" selon le credo du fondateur des sciences de la gestion. Quant à l'usage d'outils psychotechniques, on est bien loin de ces laboratoires qui mesurent même la moralité, au bonheur des économies avancées. Les psychologues et autres psychométriciens algériens pourront toujours "repasser" devant les autocrates mégalomanes qui mettent et démettent les personnes selon qu'on se plairait ou non à servir de courte échelle à la médiocratie de service.

La gestion des ressources humaines

Autant que de savoir, la productivité ne va pas sans organisation (technique et sociale) du travail, en termes d'efficience (efficacité/ qualité au moindre coût), dans le respect tant du consommateur que, pour les organismes de travail collectif, dans le souci de maintenir une motivation optimale des employés au travail, étant qu'il s'agisse "moins de motiver que de ne pas démotiver". Il est urgent que la gestion algérienne des ressources humaines soit reconsidérée autrement que comme une enseigne de publicité mensongère. Qu'elle dépasse le comptage des effectifs ou des ab­sences et le calcul arithmétique de la paie ! Qu'elle se dote de structures dynamiques qui ne s’emballent pas aux fins de mois, ne s’affolent pas lors des bi­lans et ne paniquent pas aux "contrôles" quand ils auraient lieu. En se concevant par rapport aux Ressources Hu­maines pré­cisément, c'est à dire Connaissances et Compétences, Volition, Intelligence et Créativité, etc. elle se bornera moins dans un tableau de bord souvent incongru de petites statistiques à la pertinence douteuse. Planification, Développe­ment organisa­tionnel, Eva­luation des poten­tiels et des performances, Communication, Déléga­tion, Personnalisation des salaires et Qua­lité de vie au travail ou encore Techniques de créativité, etc. ne sont pas que malen­contreux verbiage ou... des gadgets. Ils appellent des politiques de gestion élaborées dans des perspectives stratégiques où il est moins question d'un règlement intérieur qui serait un véritable règlements de comptes contre des employés qui n'en demandent pas tant. Surtout qu'ils doivent payer leur existence au prix de là-bas avec des salaires "indigènes" plusieurs fois plus bas que le SMIG  le plus bas de là-bas. La maîtrise des concepts et des méthodes rationnelles devient indispensable pour acquérir, conserver et développer les compétences, notamment  en matière de méthodologie, d'analyses économiques et sociales, d'organisation, de politiques de gestion, de communication, de commercialisation, et bien sûr de gestion des compétences et des connaissances, etc. Cependant il s'agit souvent moins d'un hypothétique "transfert de technologie" pour rompre avec "l'anti-travail" que de rompre avec un "patronat de génération spontanée" promu à la faveur d'une loi subtile de la gestion des carrières selon laquelle on "monte d’autant qu’on est plus léger". L'entreprise compétitive ne saurait s'accommoder de "dirigeants par défauts". En tout état de cause, le changement en cours doit s’accompagner d'un développement des Ressources Humaines et de la gestion y afférente. L'ouverture de progrès sur le pa­trimoine mondial de la pensée industrialisée doit être soutenue par une veille technologique au sens large incluant la gestion ou le management. Faute de quoi la solvabilité algérienne dépendra toujours de la certification ISO. Soit une perversion supplémentaire qui profitera cette fois-ci aux directeurs de la mondialisation. La Gestion des Ressources Humaines met en avant les organismes de travail mais l'état régulateur n'est pas moins concerné, cette gestion étant par excellence une fonction partagée, à travers les dispositifs du droit du travail, des salaires, et de la législation financière et fiscale notamment relative à la formation professionnelle à tous les niveaux. 
Plus qu'une mise à niveau de connotation ponctuelle, il y faudrait un programme national autrement plus large. 
Car il s'agit de la  matière grise, matière première par excellence, l'or gris.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     
                                                                                                                                           Yo. Hebib 

Notes

1.L'appropriation matérielle ressemble au simulacre de l'animal (Grognement, cognement du poitrail...).
2.Profitable à autrui.
3. Georges Friedmann en parle comme d'une intoxication, il faut préciser "sociale".
4.Idem
5. Yves CHIROUZE: Le marketing 
6.Calculés à partir du bulletin statistique/ONS 1990
.Dans les années 60,l'état français réalise un programme national de formation pour 60% des cadres.
8.On estime que 50% des connaissances d'un ingénieur sont perdues ou obsolètes au bout de 04 ans.
  
 
 
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