LE TRAVAIL EST UN LION, LÈVE TOI VERS LUI, IL DEVIENT UN LAPIN (Dicton Kabyle).
   
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  Entreprise citoyenne et GRH (Par: Yo Hebib)
 

Publié dans El Watan en février 2005

D'aucuns escomptaient, la mondialisation de la liberté d'entreprendre aidant, que l'in­dustrie ou la réindustrialisation algérienne allait enfin bénéficier aux Algériens qui n'ont pas fini de souffrir d'une médiocratie opportuniste, dont le pseudo socialisme a mené leur pays à 1’hécatombe eschatologique. La moindre de ces atteintes n'est pas d'avoir corrompu et perverti leur esprit de travail au point où le plus sainement compétent en arrivait... devoir de survie oblige! à produire médiocre, Ce à quoi était censée pallier l'entreprise algérienne nouvel­le.

L'ENTREPRISE ALGÉRIENNE NOUVELLE

On lui supposait, naïvement ou machiavélique­ment, une culture de travail rimant avec qualifica­tion et professionnalisme, compétence et excel­lence, motivation, souci de la qualité intégrale, éthique et civisme, respect du temps, des lois, et de la personne (client, collègue, patron, subordonné, employé), communication convergente et écoute, dialogue et négociation, etc. Tous concepts jusque-là absents de la praxis socioéconomique et qui allaient miraculeusement réinvestir la culture d'entreprise par le seul fait de l'irruption du droit privé dans la gestion des orga­nismes de travail. Il coule de source avec cette cul­ture idéale, que l'on fût en présence d'une entre­prise citoyenne. Aussi serait-on justifié d'en attendre qu'elle intègre la dimension que repré­sente le rôle social qui lui est inhérent en tant qu'acteur et auteur dans un environnement inté­graI qui ne s'arrête pas aux limites territoriales de la propriété foncière ou du domaine de l'activité. Qu'elle respecte par exemple ses obligations lé­gales de fiscalité ou de protection de l'environne­ment et de droit du travail, ainsi que les obligations, morales et éthiques de cette vocation sociale qui reste à affirmer avec des retombées bénéfiques pour la société de manière générale. En termes ci­toyens, elle se doit de se soucier non seulement de productivité, de qualité et de développement tech­nologique, mais aussi des conditions de travail de ses employés et, pourquoi pas aussi de création de postes d'emploi (directs ou indirects), le chômage étant une nuisance sociétale qui altère même les

résultats des organismes économiques, via notam­ment la baisse de la consommation, le renforce­ment du marché informel et leurs incidences. Il est évident qu'une entreprise économique ne saurait prétendre à une digne citoyenneté si dans sa cultu­re active il ne s'agit que de profits financiers (a fortiori lorsque sa gestion confinerait plus à la dé­linquance facile) sans contribution au progrès so­cial et économique de son pays. En l'état des choses en Algérie, ce rôle social de l'entreprise se perçevrait mieux qu'à travers les éventuels mécénats et autres fondations ou actions caritatives, à tra­vers la qualité des politiques d'emploi mises en œuvre.

 POLITIQUES D'EMPLOI

Mais en la matière, force est de constater que les Algériens n'ont pas de si tôt fini d'être les vic­times du «profitisme» par lequel, d'affres en affres, ils restent pour la majorité, affreux! Chô­meurs ou esclaves, n'ayant à s'accommoder que du sevrage ou du servage. Après les profiteurs classiques d'hier, il semble bien qu'ils aient à su­bir les «néoprofiteurs», héritiers ou persévérants parmi les premiers. Ainsi, pour illustration de cette anticulture citoyenne, le contrat de travail de durée déterminée (CDD), lorsqu'il est établi, devient la règle dans le secteur public comme dans le privé, en flagrante violation de la législation qui en fixe les conditions particulières (remplacement d'un titulaire temporairement absent, surcroît tempo­raire de travail, travail saisonnier, travail de chan­tier limité dans le temps, etc.) et les modalités pra­tiques (contrat écrit, précision de la durée du contrat et du motif de cette durée notamment).

Ce recours abusif au CDD, par son caractère illégal, systéma­tique et massif, est en apparence une stratégie de flexibilisation des charges de l'entreprise censée anticiper les difficultés économiques et préparer une éventuelle compression des effectifs à moindre coût d'une part, réduire les velléités de syndicalisation des employés, tout en réduisant la représentation syndicale lorsqu'elle existe d'autre part. Dans la foulée de cette désyndicalisation, on pense faire l'économie d'une convention collecti­ve. Mais le non-dit de cette politique procède plus d'une honteuse volonté d'assujettissement de l'employé dont la précarisation de sa situation lui fait accepter sans mot dire (quitte à maudire inté­rieurement des conditions aussi illégales que dra­coniennes telles, entre autres, l'absence d'équipe­ment de protection individuelle et de médecine du travail, l'absence d'œuvres sociales, dont le bud­get légal est escamoté (particulièrement dans le secteur privé) et pour réduire les effectifs, des heures de travail sans limite de surcroît non rému­nérées en tant qu'heures supplémentaires, mais « ré­cupérées » parfois, de manière improvisée ou dis­crétionnaire, pour contourner une éventuelle autant qu'improbable inspection du travail. En appeler à l'Etat équivaudrait à implorer le destin; comme lui, il se manifeste (le plus souvent en frappant) quand et où on ne l'attend pas.

Toujours est-il, cette politique de l'emploi procède de l'ignorance et de l'incompétence à gérer les res­sources humaines (il est facile de réaliser des bé­néfices en agissant hors la loi). Au demeurant, elle n'entrave en rien l'activité syndicale, pour peu que les organisations en place décident de s'implanter, notamment dans l'entreprise privée (ce qui d'ailleurs ne semble pas faire partie du program­me politique ambiant). En outre, la législation ac­tuelle oblige les employeurs à une convention col­lective selon la dimension des effectifs, et ce même en l'absence d'une représentation syndica­le puisqu'il est prévu dans ce cas la possibilité d'une délégation ad hoc des employés en vue de la négociation de cette convention.

Aussi le retour de manivelle de cette politique est qu'elle génère stress et frustrations chez les personnels qui sont ainsi moins motivés, moins performants et plus enclins à se désolidariser de l'entreprise qu'ils quittent à la moindre opportunité qui s'offre à eux ; cette mobilité n'est pas sans prix en termes d'accroissement de l'activité de recrutement, de dé­perdition de l'expérience professionnelle, de dé­stabilisation de l'organisation du travaîl, d'altération du climat social, etc.

Ce n'est pas un hasard si M. Camdessus, l'ex-DG du FMI, recommandait à la France l'instauration du contrat de travail de durée indéterminé (CDI) à l'exclusion de tout autre pour améliorer sa crois­sance économique et éviter de «décrocher» dans dix ans.

LA GESTION MODERNE DES RESSOURCES HUMAINES

Certes la compétitivité appelle à des politiques de réduction des charges, via la flexibilisation des frais de personnels et l'externalisation des activi­tés par exemple. En l'occurrence, le CDD n'est pas la panacée lorsqu'on maîtrise les autres techniques, notam­ment de gestion par les compétences, et de personnalisation de la rémunération. Outre cela, la compétitivité mondialisée se décline moins en termes

de coûts et de prix, que de créativité et d'inventivi­té pour rivaliser par la nouveauté des produits et des techniques, puis de plus en plus par les ser­vices et le confort concurrentiels offerts sur le marché (qualité de l'accueil et égards pour le client, livraison à domicile, service après-vente, fidélisation, etc.).                               Il s'agit donc de mobiliser l'in­telligence, l'imagination, les connaissances et les gisements de compétences au service du bien-être social.                                                                                  L’une des données les plus marquées du progrès socioéconomique consiste dans l'évolution de ce qu'il est convenu de désigner par gestion des res­sources humaines. De l'esclavage ou servage, au salariat participatif, du modèle taylorien à celui des relations humaines, non sans les luttes proléta­riennes et à la faveur de l'avancée des théories des sciences humaines et sociales, le monde moderne du travail accroît sa considération pour le facteur humain, adapte le droit du travail et accède de mieux en mieux à la notion de compétence collec­tive dans le sens d'une compétitivité à contenu collégial. D'où l'accent mis sur la créativité, la motivation au travail (entre autres, par la recon­naissance), la culture d'entreprise, la planification des emplois, l'évaluation et le développement des compétences, la communication interne et inter­personnelle, le contrôle proactif, la rémunération personnalisée pour substituer la logique de la qua­lification/compétence à celle du poste, etc. l'in­vestissement dans les politiques y afférentes n'étant pas sans retour positif pour l'entreprise de progrès qui adhère aux idéaux de l'effort et de la prospérité partagés.                                                                      Ainsi la nécessaire compétitivité qui va avec une perspective de développement durable et intégral, elle se conjugue au temps... des res­sources humaines. D'où l'urgence pour les orga­nismes de travail algériens de construire une ges­tion selon les canons de la modernité dont, faut-il le rappeler, la première des normes consiste préci­sément dans la conformité aux lois.                          Une gestion des ressources humaines alternative au «chaos technique» où risque de s'empêtrer le pays.

                                                                                                    Yo. Hebib
 
 
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